Pour une saine et fructueuse laïcité
"Fille aînée de l'Eglise", mais également héroïne du combat laïque, la France ne reçoit jamais un pape dans l'indifférence. Le volcan excessif de la libre pensée jette à chaque visite sa lave dans les eaux sages et profondes de notre héritage chrétien : au milieu trône, paisible et rassembleur, l'idéal français et républicain qui permet de faire coexister Jeanne d'Arc et le père Combes, ceux qui croient au ciel et ceux qui n'y croient pas. Cet idéal que nous défendons tous comme ciment de notre "vivre ensemble" porte, encore plus aujourd'hui qu'hier, un nom inventé il y a des siècles : la laïcité !
La laïcité n'a pas besoin d'un adjectif, elle ne doit être ni positive, ni négative ; elle prend racine aux origines de notre civilisation que ce soit dans l'antiquité gréco-romaine ou auprès des successeurs de Pierre quand, au Vème siècle, le pape Gélase Ier édictait la "règle des deux glaives" pour séparer le pouvoir spirituel de l'autorité temporelle des Etats. Au XXIème siècle, dépassant les excès du siècle précédent, le concept de laïcité apparaît comme fondamentalement nécessaire à l'équilibre de nos sociétés.
Le pape, plus moderne qu'on ne le dit, plus politique qu'on ne le pense, a rappelé ce principe indissociable de notre idéal : "la foi n'est pas politique et la politique n'est pas une religion". Ce sont "deux sphères qui doivent être ouvertes l'une pour l'autre. Il est important que l'on puisse vivre avec liberté la foi. Il est évident que la laïcité n'est pas en contradiction avec la foi". Et de rappeler le principe fondateur de la séparation du temporel et du séculier, citant les évangiles: "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu".
Devant le président de la République, Benoît XVI a déclaré qu'"une nouvelle réflexion sur le vrai sens et sur l'importance de la laïcité est devenue nécessaire". Il a jugé "fondamental" d'"insister sur la distinction entre politique et religieux" afin de "garantir aussi bien la liberté religieuse des citoyens que la responsabilité de l'État envers eux". Le pape a également dénoncé "les limites d'un communautarisme religieux", qui vise en particulier selon lui les jeunes, sa "préoccupation majeure". Avant d'enchaîner un second discours devant 700 invités du monde de la culture au collège des Bernardins, magnifique édifice cistercien, en lançant une mise en garde contre "le fanatisme fondamentaliste" qui menace à nouveau "notre génération".
Ne rouvrons pas systématiquement les plaies du passé ; les hommes, siècle après siècle, ont façonné la laïcité, cette vertu qui n'est pas la disparition du religieux, mais la saine, indispensable et souhaitable distinction du politique et du religieux. En ces temps troublés par un communautarisme d'un autre âge qui menace les valeurs mêmes de notre société, des mariages forcés à la polygamie en passant par le procès reporté de Rennes, la laïcité est une valeur à préserver et à promouvoir. La laïcité ne peut se négocier dans notre société menacée par le communautarisme parce que lorsqu'elle pâlit, c'est notre équilibre qui tousse et claque des dents.